VOLCANISME DES GALAPAGOS

                                                                      Désiré Corneloup en collaboration avec Georges Mascle

Sommaire :

1-      Les sites. Page 1.

2-      Le contexte géologique d’apparition du volcanisme. Page 3.

3-      Les produits volcaniques. Page 6.

4-      Les structures volcaniques. Page 10.

 

« Toutes les îles se composent de roches volcaniques…quelques cratères dominants s’élèvent à une altitude de 3 à 4 000 pieds. Sur leurs flancs on voit une quantité innombrable d’orifices plus petits. Je n’hésite pas à affirmer qu’il y a deux mille cratères au moins dans l’archipel. Ces cratères sont composés soit de laves ou de scories, soit de tufs admirablement stratifiés…Ici, une coulée de lave basaltique noire, à la surface extrêmement rugueuse…là, un nombre extraordinaire de petits cônes noirs tronqués, j’en compte soixante, presque tous consistent simplement en un anneau de scories rouges ; aucun d’eux ne donne de signe d’activité récente…ailleurs, la lave, malléable encore, s’est boursoufflée en bulles immenses ; autre part, le sommet des cavernes ainsi formées s’est écroulé et on voit au milieu un puits circulaire avec des côtés perpendiculaires…Sur Albemarle,la lave noire qui a débordé au-dessus des immenses cratères a recouvert une grande partie de la côte…un petit jet de fumée s’échappe du sommet de l’un des grands cratères… »

 

C’est ainsi que Charles Darwin, enthousiaste, décrivait les paysages volcaniques des Galapagos, « à bord du Beagle, le 15 septembre 1835 ». Certes, il n’était pas volcanologue, mais il fut sans doute un des premiers à témoigner de l’étonnante diversité de l’Archipel. Naturaliste, il fut inspiré surtout par la faune et la flore, évidemment indissociables ici du substratum volcanique.

On donnera d’abord un bref aperçu des quelques sites volcaniques visités, particulièrement intéressants dans leur diversité.

On tentera ensuite d’expliquer la formation des produits volcaniques de façon relativement simplifiée, et on apprendra, entre autres, pourquoi, sur un même volcan on peut trouver des basaltes, des trachytes, et des rhyolites, sous formes de brèches, cendres, scories, bombes, pinacles, arches, tunnels, flots de laves de type « aa » ou « pahoehoe »… et des gaz et des fumerolles.

 

LES SITES VISITES

 

Santa Cruz (986 km2)

Le volcanisme est éteint sur cette île située à quelque 150 km du  point chaud ⃰, lequel se trouve actuellement sous l’île de Fernandina. L’île est à un stade d’érosion avancé. Sur le Cerro Crocker (864 m) la lave basaltique est oxydée (couleur rouge) et les tufs contiennent des végétaux fossilisés. La station scientifique Darwin est à Puerto Ayora. A voir : les deux cratères d’explosion des Gemelos et les tunnels de lave proches de Puerto Ayora. Proche du volcan côtier Cerro Colorado (basalte oxydé), les îlots Plazas, basaltiques, ont été soumises,  comme d’autres îles des Galapagos, à un phénomène d’eustatisme dû aux mouvements des fosses marines sur lesquelles les Galapagos reposent. Les coulées de pillows en bord de mer et les bancs coralliens qui les coiffent attestent des époques d’immersion des îlots. Curiosité : un tunnel de laves dont le toit s’est effondré a été rempli par les pillows lorsque ce tunnel a été immergé ; ce tunnel est surmonté par des orgues. Toute cette île est soumise à un mouvement de yoyo : les côtes sont tantôt immergées, tantôt à l’air libre.

⃰ Point chaud : zone de formation de magma dans le manteau terrestre, à partir de laquelle la matière s’élève en une colonne ascendante qui arrive en surface. Un point chaud peut rester fixe pendant plusieurs dizaines de millions d’années.

 

 

Fig.1 Les Galapagos sur la plaque de Nazca                  Fig.2 L’archipel des Galapagos

 

San Cristobal (558 km2)

Sur cette île qui serait la plus ancienne de l’Archipel, le volcanisme n’est plus actif. Le volcan central, San Joaquin (700 m), est essentiellement basaltique avec quelques cônes adventifs. Au large, l’îlot de Leon Dormido est une cathédrale de tuf aux falaises vertigineuses. L’Isla Lobos proche de San Cristobal, basaltique, a subi, elle aussi un phénomène d’eustatisme.

Santiago (585 km2)

Cette île formée de cônes de scories et de tuf est dominée par un volcan central, le Cerro Cowan (905 m), où les dernières éruptions ont été signalées au XIXème siècle. Les laves basaltiques qui se sont épanchées sur la partie sud de l’île étaient particulièrement fluides puisqu’elles se sont répandues sur des espaces de plusieurs kilomètres de largeur. L’îlot de Bartolome situé en face de la Baie de Sullivan est un décor tourmenté de cratères, lava tubes, spatter-cones, cônes de tuf et scories aux couleurs variant du rouge à l’orangé et au gris parmi des formations volcaniques d’un noir brillant. Le Pinnacle Rock est une spectaculaire aiguille volcanique flanquée de tufs.

Floreana (173 km2)

Les édifices volcaniques  de Floreana qui culminent à 640 m,  sont complètement éteints et dans un état d’érosion avancé. Les deux sites géologiques sont Devil’s Crown (Corona del Diablo) et Punta Cormorant. Le premier site est le sommet d’un cône volcanique érodé et à peine émergé couronné par des coraux. Le second site est remarquable par l’abondance des cristaux d’olivine dans les tufs ; ces cristaux, arrachés par l’érosion et mêlés au sable donnent à la plage une couleur verte. Le long des falaises affleurent en alternance les coulées de basalte et des tufs constellés de bombes volcaniques. Les falaises sont parfois effondrées.

Santa Fe (24 km2)

Cette île, au sud-est de Santa Cruz, est un volcan éteint et érodé qui a été surélevé par la tectonique. Les formations de basalte et de tufs bordent la plage sablonneuse. Une large et haute faille comblée de pillows entame la partie nord de l’île.

Isabela (4 588 km2)

Isabela est la plus grande île de l’archipel, elle mesure 134 km de long sur 84 km de large, dans sa plus grande largeur. Elle a la forme d’un hippocampe tourné vers l’ouest. L’île porte six volcans boucliers ; cinq ont évolué en caldeiras, dont l’une fait 10 km de diamètre. Du plus vieux au plus jeune, ce sont : le Sierra Negra, l’Alcedo, le Darwin, le Wolf, le Cerro Azul et l’Ecuador, le plus récent, qui est égueulé et effondré. Si l’on tient compte des cônes adventifs, ce sont plus de 2 500 édifices volcaniques qui couvrent l’île. L’île culmine au Wolf à 1 707 m d’altitude sous la ligne d’équateur. Tous ces volcans sont actifs, les dernières éruptions datent de : 1982 pour le Wolf, 1993 pour l’Alcedo, 2005 pour le Sierra Negra, 2008 pour le Cerro Azul. Puerto Villamil est la principale ville d’Isabela. C’est là que commence l’ascension du volcan Sierra Negra (1 490 m), en passant par le village de Santa Tomas. Ce volcan bouclier est presque entièrement basaltique formé de laves fluides issues le plus souvent de fissures éruptives qui rayonnent depuis le sommet. Les éruptions s’accompagnent d’une légère activité explosive. Des cônes de scories et de tufs sont distribués ça et là. Le volcan est barré par une grande fissure NE SW qui rejoint la caldeira. Sur les flancs de l’immense caldeira de 10 km de diamètre on remarque souvent la présence de fumerolles. Cette caldeira est structuralement complexe avec plusieurs paliers d’effondrements correspondant à des vidanges successives des chambres magmatiques. A l’ouest, sur le bord de la caldeira, on peut accéder à une ancienne mine de soufre. A l’est, le spectaculaire complexe volcanique du Chico regroupe un enchevêtrement de cratères de scories et d’effondrements et de tunnels qui se sont formés en plusieurs épisodes magmatiques. Là, on peut retrouver toutes les morphologies laviques : pahoehoes, aas, tripes, bouses de vaches, cendres, cordes, blocs, tufs et lapillis noirs qui se sont dispersés sur tout ce paysage tourmenté jaune et rouge, ponctué des seuls cactus candélabres.

L’éruption de 1979 a produit un nuage de cendres qui s’est élevé jusqu’à 14 km de hauteur et la coulée de laves fluides est arrivée jusqu’à la mer. En 2005 la coulée de laves issue d’une fissure de 50 m de large a atteint la vitesse de  20 m/s et a recouvert 14 km2. Depuis 1813, on compte 15 éruptions majeures du Sierra Negra.

Au large de Puerto Villamil, les îlots des Tintoreras sont des coulées de laves aas recouvertes de lichens.  Des lits de coraux blancs broyés ponctués de rouge alternent au milieu des aas.

 

CONTEXTE GEOLOGIQUE D’APPARITION DU VOLCANISME

 

Les îles Galapagos sont situées sur l’équateur à 1 000 km à l’ouest de la côte de l’Amérique du Sud. Elles émergent d’un plateau volcanique sous-marin.

 

 

 

 

 

Ce plateau a commencé à se développer il y a environ 23 millions d’années (23 Ma), à l’Oligocène, sur une croûte océanique préexistante et à l’aplomb du rift (le rift des Galapagos) qui sépare la plaque des Cocos et la plaque de Nazca. En un temps géologiquement court (2 à 4 Ma), des coulées basaltiques se sont empilées pour finir par former ce plateau dominant la croûte océanique normale de 2 000 à 3 500 mètres. Voir figure 3.

De telles coulées peuvent former de grandes surfaces, ce sont les « trapps ». C’est le cas du Deccan en Inde, de la Sibérie ou du Parana au Brésil. En milieu océanique ce sont les plateaux volcaniques océaniques : Otong Java, Kerguelen, chacun de plusieurs dizaines de millions de km2.

 

  

                     

Ces coulées, avec des volumes considérables, ont pour origine un point chaud. C’est en particulier le cas du plateau volcanique au-dessus duquel émergent maintenant les Galapagos. Le point chaud des Galapagos qui a commencé à  se « manifester» il y a 23 Ma, est né dans le manteau supérieur et la vitesse d’ascension du magma voisinerait le mètre par an pour s’accumuler dans deux réservoirs intermédiaires situés à 12 et 2 km de profondeur. Le point chaud des Galapagos est considéré comme « faible » par rapport à celui d’Hawaii.

La plaque des Cocos, au nord du rift, est en mouvement, elle subducte (plonge) sous l’Amérique du Nord et l’Amérique Centrale ; la plaque de Nazca, au sud, en mouvement aussi, subducte sous l’Amérique du Sud. Les moteurs de ces mouvements qui entraînent les plaques en subduction, ce sont la subduction elle-même qui « tire » sur la lithosphère et l’ouverture des rifts qui exerce une poussée au dorsale : le rift des Galapagos, EW, relativement complexe, parallèle à l’équateur, et le rift NS (dorsale Est-Pacifique) qui sépare les deux plaques de Cocos et de Nazca de la plaque Pacifique. Voir fig. 1.

Le point chaud est fixe par rapport à l’asthénosphère (manteau). Le plateau volcanique, au fur et à mesure de sa formation, soumis au mouvement des plaques, a été entraîné, pour une part vers le NE sur la plaque des Cocos, et d’autre part vers le ESE sur la plaque de Nazca.

Ce plateau est scindé maintenant en deux parties qui se trouvent de part et d’autre du rift des Galapagos : sur la plaque des Cocos, le plateau s’appelle le Cocos Ridge, sur la plaque de Nazca, le Carnegie Ridge.  Voir figure 4.

 

En fait, le scénario est un peu plus compliqué : à la faveur de la tectonique, le rift des Galapagos s’est coupé en plusieurs rifts secondaires, toujours parallèles à l’équateur, mais séparés par des failles transformantes NS. Toujours à la faveur de la tectonique, le Cocos Ridge s’est séparée en plusieurs morceaux, (la Cocos Ridge proprement dit, la Malpelo Ridge et la Colba Ridge) ; la  Carnegie Ridge s’est scindée en deux parties : l’une, la Carnegie Ridge proprement dit, face au continent sud-américain, sous lequel elle subducte, et l’autre, qui forme maintenant la Plate-forme des Galapagos sur laquelle se trouvent les volcans émergés de l’archipel des Galapagos.

L’ouverture NS du rift des Galapagos se poursuit à la vitesse de 5 à 7 cm/an. La dorsale Est-Pacifique s’ouvre dans une direction EW à la vitesse de 12 à 17 cm/an. L’archipel des Galapagos, sur sa plate-forme qui repose sur la plaque de Nazca, « filerait » donc approximativement vers l’ESE à une vitesse d’une quinzaine de cm/an, résultante des vitesses citées. En fait, la vitesse réelle est inférieure car des rides intra-rifts rendent le mouvement plus complexe localement et l’apport de basalte, quoique constant, est irrégulier dans l’espace et le temps au niveau des dorsales. La vitesse mesurée par le paléomagnétisme est de 7,2 cm/an ; néanmoins la direction générale reste la même : ESE. L’ordre de grandeur de ces mesures a été confirmé par le GPS.

Rift : fossé d’effondrement qui accompagne habituellement une dorsale océanique

Le volcanisme des Galapagos est donc commandé par ce contexte exceptionnel : un point chaud, la proximité d’une dorsale océanique et de rifts océaniques, et une plaque qui se déplace au-dessus de ce point chaud. Voir figure 7.

Sur la plate-forme des Galapagos, les volcans ont émergé  il y a environ 4 à 5 Ma. De nombreux volcans sous-marins (les seamounts) ont précédé cette émersion. Les volcans des Galapagos sont donc géologiquement jeunes. Ils sont distribués sur 13 îles principales et de nombreux îlots, couvrant une surface totale de 7 882 km2.

La plateforme des Galapagos se formant par défilement au-dessus du point chaud fixe, une succession de volcans est apparue sur l’axe approximatif ESE. Les volcans émergés les plus anciens sont nés il y a 4 Ma sur l’île d’Espanola (ou Hood) et sur l’île San Cristobal (ou Chatham). Ils se trouvent à l’est, les plus proches du continent américain et ils sont maintenant éteints et érodés. Né il y a 7 000 ans, le volcan le plus récent se trouve à l’ouest de l’archipel, maintenant à l’aplomb du point chaud : c’est le volcan Cumbre (1470 m) sur l’île Fernandina qui, avec une quinzaine d’éruptions depuis 1958, est le volcan le plus actif de l’archipel.

Les autres volcans plus ou moins actifs se regroupent sur Isabela, l’île voisine, île exceptionnelle dans l’Archipel avec six volcans principaux, dont deux sont restés actifs au cours de cette dernière décade : le Sierra Negra (1 490 m) et le Cerro Azul (1 640 m) ; les autres îles correspondent chacune à un seul volcan principal, inactif.

On peut maintenant calculer rapidement la vitesse qui avait été mesurée : connaissant la distance qui sépare les îles Espanola et Fernandina, soit environ 280 km, et sachant que  4 Ma se sont écoulées entre l’apparition du volcanisme dans ces deux volcans, on peut évaluer la vitesse approximative de formation de la plate-forme des Galapagos « accroché » à la plaque de Nazca, à une moyenne de 7 cm/an, non loin des mesures des géologues.

 

LES PRODUITS VOLCANIQUES

 

Sur l’Archipel, les produits volcaniques sont essentiellement d’origine basaltique ; ce sont des basaltes dits «transitionnels », ce qui signifie qu’ils sont  intermédiaires  entre alcalins et tholéiitiques (ou subalcalins).

Le caractère tholéiitique se manifeste plutôt à proximité de rifts ou de zones de fractures de la croûte océanique, tandis que le caractère alcalin se rattache plutôt à un point chaud. Les éruptions sont donc tour à tour ou simultanément alcalines ou subalcalines, les deux réservoirs magmatiques situés à 12 et 2 km de profondeur (mesures sismologiques) étant tour à tour ou simultanément alimentés par du basalte alcalin ou subalcalin. L’épaisseur totale de la lithosphère sous l’archipel étant de 12 km, le premier réservoir magmatique serait donc collé immédiatement sous cette lithosphère. Voir figure 7.                                                                                                                

On trouvera maintenant une explication relativement simplifiée des phénomènes complexes de l’évolution des magmas.

Le basalte d’origine, alcalin ou subalcalin, est issu des péridotites du manteau dont la composition chimique est essentiellement mafique (magnésium-fer) avec environ 20% à 30% de son poids formé de MgO, FeO et Fe2O3, et moins de 50% de SiO2. Voir figure 5.

 

       Fig. 5 Exemple d’analyse de composition magmatique (Hawaii). 1 : basalte, 2 : rhyolite

 

Concernant un basalte alcalin de Fernandina on a : SiO: 46,6 ; Al2O: 14,6 ; CaO : 12

Les autres oxydes, constituants principaux, sont : Al2O3, CaO, Na2O, K2O, et de l’eau à moins de 1%. L’évolution des magmas basaltiques, dans le(s) réservoir(s) magmatique(s), en cours d’émission et en fin d’émission tient compte du comportement physico-chimique des constituants de base ci-dessus, relativement simples, mais aussi des éléments traces tels que, P, Mn, Ni, Co, Cr, Ti, Zr, Ba, Rb, Sr, et des terres rares, les REE (Rare Earth Element) tels que La, Ce, Nd, Sm, Eu, Gd, Dy, Yb (voir le tableau de Mendeleïev). La magmatologie est une science complexe. L’analyse de ces éléments et  celle des REE permet aux géochimistes et aux géophysiciens de reconstituer la dynamique de formation des magmas.

 Le basalte n’est donc pas un corps pur, avec une température de fusion ou de solidification fixe. Il est composé d’une quantité d’éléments chimiques qui sont les  constituants de minéraux qui se comportent différemment ; les phénomènes de fusion et de cristallisation ne seront jamais globaux mais toujours fractionnés ou partiels. Les minéraux apparaissent toujours dans un ordre bien déterminé. Dans un même bain basaltique coexistent des parties solides et des parties liquides.

Durant leur ascension, les basaltes mafiques venus du manteau et quittant le premier réservoir rencontrent tout d’abord la croûte océanique formée de bas en haut par des gabbros, des essaims de dykes, des pillow-lavas et des sédiments, puis ils traversent les empilements de roches volcaniques de la plateforme des Galapagos. Croûte océanique et plateforme font une douzaine de km d’épaisseur. La température et la pression diminuent durant cette ascension.  

Après avoir été « contaminé » par les milieux traversés, il est possible que le basalte s’arrête dans le réservoir magmatique intermédiaire situé à 2 km de profondeur ; il cristallise alors partiellement (cristallisation fractionnée), subit une sédimentation gravitaire (classement gravitaire en fonction des densités des minéraux qui ont cristallisé), et, par le jeu combiné de  la cristallisation, de la contamination et de la sédimentation gravitaire, le basalte d’origine peut se trouver fortement modifié lors de l’émission. C’est le phénomène de différenciation magmatique.                                       

 Fig. 6  Flèche rouge : trajet basalte-rhyolite

 

Au fur et à mesure de l’ascension ou du séjour dans les réservoirs, la cristallisation fractionnée se fait dans un ordre strict : olivine, pyroxène, amphibole, plagioclase et quartz.  Si, par exemple des olivines de formule (Mg,Fe)2SiO4 ont pu cristalliser, ainsi que des pyroxènes de formules plus complexes, mais contenant Ca, Al et Fe, alors le liquide résiduel s’est appauvri en pourcentage en Mg, Ca, Al et Fe et il est donc finalement enrichi en pourcentage en Na et K. Le silicium (Si) se retrouve alors en pourcentage plus important dans ce liquide et Al ne varie jamais beaucoup. Donc, un basalte pas trop appauvri sera émis en qualité d’alcalin ou de subalcalin. Appauvri en Mg, Fe et enrichi en Na et K, ce n’est plus un basalte qui est émis mais  un trachyte ou une rhyolite. Voir figures 5 et 6.

En général, les basaltes alcalins évoluent vers les trachytes, les subalcalins vers les rhyolites. Ici, le phénomène n’est pas aussi simple puisque l’on a un basalte « transitionnel ».

De plus, il faut tenir compte aussi des gaz présents dans le liquide qui entraînent plutôt les alcalins Na et K que Ca, Mg et Si. 

L’explication ci-dessus est très schématique, mais les figures 5 et 6 illustrent ces phénomènes d’évolution des magmas en fonction des oxydes composants, en particulier les oxydes SiO2, Na2O et K2O (alcalins).

 

En cours d’ascension et à l’arrivée en surface, le comportement du magma varie en fonction du degré de solidification : de 0 à 30%, la viscosité est faible et le magma se comporte comme un liquide newtonien : c’est essentiellement le cas aux Galapagos où l’on trouve des volcans boucliers qui sont des empilements de coulées successives. De 30 à 70%, le magma a un comportement pâteux, au-dessus de 70% le magma se comporte comme un solide et il peut former des bouchons qui obstruent les cheminées des volcans. Lorsque ces bouchons cèdent sous la pression des gaz, il y a explosion violente.

Sur Isabela, l’Alcedo (1 094 m) émet des laves rhyolitiques massives, pâteuses, mais à structure fluidale visible par l’alignement des cristaux, essentiellement de plagioclase. Les rhyolites anciennes (1953) ont un aspect sombre ; les récentes (1993) sont de couleur claire rougeâtre.

L’ascension plus ou moins rapide du basalte dans la cheminée commande, entre autres, la cristallinité de la roche : une ascension rapide suivie d’un refroidissement rapide du magma en surface donne des cristaux nombreux et de petites tailles, alors qu’une ascension plus lente suivie d’un refroidissement lent donne moins de cristaux mais de plus grandes tailles. C’est par exemple dans une roche pâteuse que l’on trouvera les plus beaux cristaux : le basalte en est pauvre, trachyte et rhyolite en sont riches. Le trachyte gris à rougeâtre se rencontre sous forme d’aiguilles obstruant des culots en fin d’émission.

Le magma une fois solidifié peut renfermer des matériaux qui ont été ramonés au cours de l’ascension ou recueillis déjà solidifiés au fond de la chambre magmatique : ce sont des nodules de péridotite, d’olivine ou de gabbro ou même des matériaux crustaux très divers. En fin d’émission un volcan peut « ramoner » les olivines déposées au fond du (ou des) dernier(s) réservoir(s) et les accumuler en surface avec les derniers produits volcaniques émis, ce qui est arrivé dans les tufs de Floreana.

Des bulles de gaz qui se sont formées et qui ont crû en quantité et en volume accélèrent l’ascension du magma : le tout début de  l’éruption est souvent explosif car les gaz se libèrent brusquement tandis que la phase solide est vésiculée. Les vacuoles de toutes tailles emprisonnent des gaz et plus il se forme de vacuoles, plus la lave devient fluide.

L’archipel est aussi source d’une activité hydrothermale et de fumerolles que l’on retrouve sur la plupart des volcans : les volcans d’Isabela, par exemple, sont maintenant seulement en sommeil !

Dans le langage géologique international, concernant les rifts ou les rides médio-océaniques, on parle de MORB (mid-oceanic-ridge-basalts) : ce sont les basaltes subalcalins. Lorsqu’il s’agit d’îles océaniques alignées en archipel au-dessus d’un point chaud on parle d’OIB (oceanic-island-basalts) : ce sont les basaltes alcalins. Ici, le basalte transitionnel est appelé OIT (oceanic-island-tholeiite) : il est alcalin et tholéiitique.

 

Echelle approximative : 3 cm = 200 km

                                                                                                                 Point chaud

NNW                                                                                                                                          Nazca Plate                      SSE                         

Cocos Plate                                    Rift océanique                  Volcan actif     Plateforme des Galapagos     

  Fig. 7 Coupe schématique interprétative du volcanisme des Galapagos

 

 

LES STRUCTURES VOLCANIQUES

 

La fluidité des laves favorise la formation de volcans boucliers : édifices volcaniques de grandes tailles aux pentes douces et  constitués en grande partie par la superposition de coulées de laves très étendues et de faibles épaisseurs. Ces édifices sont souvent fracturés, truffés de cônes adventifs et de tunnels de laves. L’activité fumerollienne est omniprésente.

 

Lorsque le dernier réservoir (chambre(s) magmatique(s)) se vide, le toit (ou les flancs) de la chambre peut s’effondrer, il se forme alors une grande dépression, en général de forme circulaire : c’est la caldeira. Il peut y avoir plusieurs remplissages et plusieurs vidanges successivement au cours de la vie d’un volcan : la caldeira présentera alors des paliers successifs, avec des parois de couleurs différentes, en fonction de la composition du magma et de l’oxydation.  La plupart des volcans des Galapagos sont couronnés de caldeiras. L’une des plus importantes est sur Isabela : le toit de la chambre s’effondra de 450 m laissant sur le volcan Cerro Azul (1 640 m) une caldeira de 5 x 2,5 km. Le Sierra Negra (1 490 m) n’a que 110 m de profondeur, mais une caldeira de 10 x 7 km. Sur l’île voisine de Fernandina, la caldeira du Cumbre (1 470 m) est profonde de 1 100 m et elle s’étend sur 6,6 x 4 km.

 

Il peut y avoir accumulation locale de roches volcaniques d’aspect spongieux ou de cendres indurées : c’est un cône de tuf ou de scories. Si la roche est devenue trachytique, il peut se former des extrusions ou des aiguilles. Tous les intermédiaires sont possibles pour former des pinacles, ou même des arches avec des scories plus ou moins vacuolaires.

 

Les coulées de laves, toujours relativement fluides, peuvent former une surface lisse (pahoehoe) prenant parfois l’aspect de paquets de cordes (lave cordée), ou une apparence chaotique de fragments scoriacés hérissés (aa). Lorsque l’éruption a cessé, le magma peut avoir laissé un ensemble complexe de cavités souterraines plus ou moins ramifiées formant des tunnels de lave qui sont en général voisins de pahoehoe ou surmontés de pahoehoe. Le aa est issu d’un magma plus visqueux que le pahoehoe, mais les laves se déversant sur un terrain relativement pentu forment plutôt des aas tandis que les pahoehoes apparaissent dans les pentes légères. Les pahoehoes sont abondants sur Santiago et à Punta Moreno sur Isabela.

 

Les tunnels de lave sont omniprésents mais particulièrement spectaculaires à Santa Cruz. Un tunnel se forme par refroidissement des couches externes d’une coulée de lave fluide, donc des laves pauvres en silice (inférieur à 50%) arrivant en surface à des températures voisines de 1 100 °C. La lave est un excellent isolant- bouclier thermique- et le refroidissement rapide de la lave au contact de l’air va former un bouclier thermique qui va « garder au chaud » la lave à l’intérieur qui va continuer de s’écouler. Un véritable torrent de lave circule à des vitesses pouvant atteindre 30 km/h dans la tuyauterie qui s’est formée. L’éruption terminée, il reste un vaste ensemble de cavités et de tunnels dont le diamètre peut être décamétrique.

Les flancs des volcans sont parfois ponctués de « pit craters » : ce sont des cavités, genre nids-de-poule, qui correspondent généralement à l’effondrement du toit d’un tunnel.

 

Les cônes adventifs peuvent être classés en deux catégories : les « spatter cones » formés par un brusque dégazage local du magma, les plus spectaculaires étant nés d’un magma visqueux,  et les « tuff cones » en général non loin du rivage formés de cendres cimentées. Ces derniers sont issus d’une éruption phréatomagmatique : l’eau de mer (ou l’eau d’un lac) entre brusquement en contact avec le magma, le fracturant en minuscules fragments qui s’accumulent au point d’émission. Les tufs sont souvent chimiquement altérés pour former un minéral jaunâtre, la palagonite qui est une sorte de verre basaltique hydratée. Ces formations sont nombreuses sur Santiago et sur les îlots voisins.

Les cônes de scories appelés parfois « cinder cones » sont distribués un peu partout. Les bombes volcaniques, en lambeau ou en fuseau, sont relativement rares.

Les volcans qui culminent par une forme conique régulière ont émis, après quelques petites éruptions explosives,  et généralement en fin d’émission, un magma visqueux, donc une rhyolite ou un trachyte. C’est en particulier le cas sur Sierra Negra et Alcedo. Des dépôts de ponces avoisinent de tels volcans.

 

Sur certains endroits de Baltra et de Santa Cruz, ce ne sont pas les roches volcaniques qui affleurent, mais des coquilles de Lamellibranches fossiles, parfois jusqu’à 3 m d’épaisseur. On peut voir ces coquilles dans des masses volcaniques qui ont été érodées, qui ont subi une subsidence, puis sur lesquelles les sédiments coquilliers se sont déposés. Ces masses recouvertes de coquilles ont été ensuite exondées. Cette observation témoigne des mouvements verticaux, parfois plurimétriques, que subit la plateforme des Galapagos.

En bord de mer certaines roches volcaniques sont  blanchâtres : il s’agit tout simplement des excréments séchés des nombreux oiseaux (guano).

 

                                 Lapili                                                          Tuf

 

Fig. 8 Les différentes roches volcaniques rencontrées

 

 

BIBLIOGRAPHIE (très sommaire)

 

Bardintzeff J.M., 1 986. Volcans et magmas. 156 pages. Collection Science et Découvertes. Le Rocher. Monaco. (Introduction scientifique à la volcanologie).

Bardintzeff J.M. a écrit de nombreux ouvrages sur les volcans, voir son site : www.geopolis-fr.com ; les autres sites sur le volcanisme sont innombrables !

Bonin B., 1 995. Pétrologie endogène. pp. 136-250. Dunod. Paris. (Niveau Université).

Constant P., 1 994. Archipel des Galapagos. 300 pages. Calao Life. Paris. (Guide complet) Debelmas J. & Mascle G., 1 994. Les grandes structures géologiques. pp. 3-28. Masson. Paris. (Informations de base pour comprendre les grandes structures océaniques).

Juteau T. & Maury R., 1 997. Géologie de la croûte océanique. pp. 99-107. Masson. Paris (Niveau Université).

Krafft M. & al., 1 999. Guide des volcans d’Europe et des Canaries. pp. 11-39. Delachaux & Niestlé. Lausanne. (Bonne base pour comprendre les volcans).

Rosi M. & al., 2 000. Guide des volcans. pp. 10-101. Delachaux & Niestlé. Lausanne. (Peut-une bonne base pour comprendre le volcanisme).

J.C. Tanguy & D. Decobecq. 2 009. Dictionnaire des volcans. pp. 85,56. Editions J.P. Gisserot. Polina Luçon.

Wilson M., 1 997. Igneous Petrogenesis. pp. 101-149; pp. 245-285. Chapman & Hall. Londres. (Niveau Université).

 

 

 

Vers : Comptes-rendus des conférences

Vers : Calendrier